PLATE-FORME DE RESISTANCE : L'ART CONTRE LE MARCHE DE L'ART !
C'est aux artistes, s'ils veulent jamais à l'avenir reprendre les prérogatives qui relèvent de leur fonction, de leur devoir et de leurs propres responsabilité, de s'engager dans des initiatives. Des initiatives qui les mettent en position de revendiquer, haut et fort, leur place dans la société en émergence.
Certains d'entre eux (une minorité infime…) participent au système marchand et idéologique en place et en bénéficient. La plus grande majorité, reléguée la plupart du temps à l'isolement individuel, sont privés de moyens d'expression, de diffusion et de reconnaissance. La conjoncture socio-technique changeant, Internet va leur permettre, aujourd'hui, de se reconnaître, de s'identifier et de se concerter pour l'action.
Internet va leur permettre de se concerter pour agir et pour combattre le
système de l'art contemporain en place, en même temps que de contester une
légitimité dont le système s'est indûment approprié au fil du temps. Cette confiscation (falsification et manipulation des valeurs) s'est opérée par la convergence historique que l'on a pu constater, entre les structures du marché et les institutions officielles de légitimation, qu'elles soient étatiques ou privées. Cette collusion s'est établie à l'avantage des tenants du marché, dont la puissance financière s'est traduite par l'allégeance, pure et simple, des seconds au profit des premiers, les réduisant au seul rôle de faire-valoir et d'instances entérinant les options du marché.
Dans un nouveau rapport de force que les artistes doivent s'efforcer d'instaurer pour "regagner" leur indépendance économique et la liberté de dire et de faire, il leur appartient, désormais, d'une façon volontariste, de reprendre en main leur propre destin, sans laisser à quiconque le soin de le faire à leur place.
C'est par leurs initiatives répétées, leur imagination (la faculté d'anticiper), leur intelligence des réseaux, leur capacité de s'auto-organiser qu'ils peuvent, à coup sûr, renverser à leur avantage la situation actuelle. Pour cela, il faut qu'ils commencent à prendre conscience, au premier chef, de la force symbolique qu'ils représentent, individuellement et collectivement, et qu'ils en soient surtout intimement pénétrés.
Le GIGA a pour propos et pour objectif de mettre en place le processus visant, à moyen terme, de changer le système au bénéfice des artistes, et de proposer une ligne éthique et esthétique se substituant à l'argent-roi et à la spéculation effrénées.
Il est urgent que les artistes réagissent et s'approprient rapidement des nouveaux espaces que leur offre le web, avant que les forces commerciales du système de l'art occupent et s'emparent de ces nouveaux moyens à leur profit exclusif. Comme ce fût le cas des moyens traditionnels antérieurement.
Nous pouvons constaté que sur le net déjà le discours peut être un principe d'exclusion et d'asservissement social dans la mesure où l'autorité s'exerce également par le contrôle de la structure textuelle, fondée sur les noms de domaine et leurs adresses URL. Peu à peu les pouvoirs, les législations et les administrations, le commerce, tendent à contrôler ce qui à l'origine était un espace de totale liberté, si ce n'est les seuls contraintes inhérentes à la technique, toujours à surmonter. Des groupes socio-critiques constitués d'artistes, comme etoy.com, RTMark, The Thing New-york, ninfomania, detritus.net, illegal art, plagiarist.org, namespace, negativeland, evolution control commitee, styro 2000, boombox.net, rhizome.org, ont mené, non sans succès, essentiellement aux Etats Unis, des actions critiques significatives sur le Web. Dans cette mouvance RTMark s'illustre comme le fer de lance d'un mouvement contestataire dont la lutte contre les grandes compagnies et leur revendication de puissance s'étend bien au-delà du Net et de l'art, dans son acception restrictive.
Si ces luttes socio-critiques, voir politiques, présentent un réel intérêt en soi, nous pensons quant à nous que les artistes, avant de vouloir changer le monde, devraient déjà s'appliquer à changer le milieu qui leur est spécifique, c'est-à-dire le système dominant de l'art contemporain. De tenter, ainsi, d'agir sur lui, pour le modifier en concentrant l'essentiel de leur effort sur cet objectif premier. L'intelligence du réseau, doublée de la connaissance des comportements de groupe et de leurs mécanismes, devraient permettre aux artistes engagés dans cette voie de mettre en œuvre des modèles communicationnels d'expérimentation susceptibles de s'attaquer au système de l'art, tel qu'il existe, pour le mettre à mal et dénoncer ses perversions fondamentales.
Ce projet idéologique, initié et proposé par le GIGA, demande la mise
en œuvre d'une méthodologie adaptée au réseau, se développant en
phases successives empiriques et adaptatives aux situations :
- La phase organisationnelle
visant à la constitution d'un réseau de
sympathisants, dont le degré d'implication de chacun fera l'objet de différents
statuts. La hiérarchie mise en place et les statuts affectés ne seront pas le
résultat de décision autoritaire (voir arbitraire) mais des seuls degrés
d'implication et de contribution effective. L'ensemble des sympathisants étant
invités à s'exprimer régulièrement (votes en ligne) sur les
résultats et les orientations du GIGA. (Etoy a vraiment anticipé comme
précurseur dans cet usage d'Internet en tant qu'association artistique et en même
temps que société anonyme). D'une part en "inventant" un jeu en ligne et en
exprimant son identité visuelle et son identité d'entreprise (en 1977, Fred
Forest alors qu'Internet n'existait pas encore, avait fait une action au concept analogue, en
utilisant en France la presse nationale et en créant la société civile
immobilière du mètre carré artistique) La société
etoy appartient à des actionnaires. Ses titres contresignés (les "etoy. SHARES")
ne sont pas standardisés, mais des "originaux" reproductibles ; ils sont mis en vente
dans certaines galeries et sur le site Web. En les vendant ou en s'acquittant de certaines
tâches lors de la toywar, les internautes alimentent l'économie de ce
système alternatif. Cette démarche est intéressante, car elle participe
à la volonté de mettre en place un système économique de l'art,
que les artistes instaurent et contrôlent eux-mêmes…L'aspect des titres mis en
circulation par e-toy est significatif. Leurs motifs évoquent une nouvelle
esthétique boursière, illustrant les déconvenues et les malheurs de
l'entreprise contre laquelle le groupe artistique conduit une guerre de l'information
impitoyable et finalement victorieuse. Les " etoy.SHARES "représentent du capital
culturel en devenir, dont la valorisation des projets auxquels peuvent s'associer les
internautes. (voir en France la BUAbank lancée avec l'anti-dollars par un groupe
d'artistes se manifestant en réseau) L'augmentation du capital artistique et
culturel accroît également la valeur des actions sur le marché. Cette
démarche est intéressante et inventive, dans la mesure où etoy reprend
l'esthétique des concepts visuels et le vocabulaire du business et du e-commerce en les
détournant pour en faire une forme "artistique". D'ailleurs, certains
éléments se transforment dans le temps car l'œuvre est évolutive. Ils
sont proposés sur le web, mais aussi, tout autant, à la Postmasters Gallery
de New-York (Ausstellung Impact Management) ou à Ars Electronica..
On peut considérer que la synchronisation d'opérations bien conçues sur
le net, et le soutien de la communauté internaute, mais également les bonnes
relations du groupe d'artistes etoy avec les médias, les intellectuels, avocats,
dans le vie réelle et non l'espace d'action virtuel, ont permis aux artistes de
sortir vainqueur de cet échange.
Ce que le GIGA retient, c'est que le modèle toywar, ( voir ma guerre contre l'Etat
de Vaud de Fred Forest) est un modèle transposable, et prouve la
possibilité d'interfaces entre les pratiques artistiques, commerciales et critiques
à venir : sur des plates-formes internes au Web et entre le Web et la
réalité. Et que c'est dans cette optique que le GIGA mettra en œuvre ses
actions, pour dénoncer le marché de l'art contemporain qui s'opère avec
le soutien objectif des institutions.
2- La phase de divulgation d'information (transparence) concernant les milieux de l'art contemporain, confidentielles ou non, qui font généralement l'objet de rétention, et dont seuls des "initiés" disposent.
Notons l'observation acerbe de François Barré ( passé armes et bagages aujourd'hui au service de François Pinault) ancien président du Centre Georges Pompidou : " Il n'est pas question que nous te communiquions le prix de nos acquisitions, cela risquerait de perturber le marché de l'art tout entier"
3-La phase inventive et actives d'actions multiformes de dénonciation et de
déstabilisation du système de l'art contemporain. Ce système
existe et fonctionne à l'heure actuelle, sur les bases de la spéculation
marchande et la manipulation d'informations, visant d'une façon artificielle, à
créer des valeurs esthétiques artificielles, par des procédés
relevant du marketing, en bénéficiant de la complicité objective des
institutions, et de critiques d'art asservis au système. L'objectif est donc de
mettre en évidence cette réalité.
Nous reviendrons dans un prochain communiqué sur l'organisation pratique de "notre
guerre à nous". La guerre de l'art contre le marché de l'art. Pour l'instant, il
s'agit dans un premier temps de réunir et de créer un réservoir de
sympathisants et de compétences diverses (artistes, designers, webmasters, providers,
informaticiens, avocats, théoriciens, universitaires, journalistes, bailleurs de fonds,
chercheurs de sponsors, informateurs sympathisants, occupant des postes dans le système et alimentant
anonymement nos bases de données etc.) Ceux qui veulent rejoindre le GIGA peuvent le
faire d'une façon anonyme, sous forme d'un pseudo, ou livrer leur identité qui
restera confidentielle, s'il considère que pour l'efficience même du GIGA, dans
la vie réelle, cette information est préférable. ( voir notre formulaire
d'inscription prochainement en ligne)
Afin de surprendre l'adversaire visé, il est hors de question, vous le comprendrez, de livrer ici des informations sur nos modes d'action à venir dans un futur proche et se sont les membres du GIGA qui en auront bien sûr la primeur en temps voulu.