Un bilan médiocre

Par Ph. Declerck

Et bien justement avec ce système peu démocratique, où va t'on ? Malgré ses défauts, est-il performant ? On a bien construit des pyramides et des superbes édifices avec des esclaves, gagner des guerres prestigieuses en cassant du bonhomme ! Quel est le bilan de tous ces investissements culturels ? La France rayonne t-elle plus au niveau international ?

Ce n'est pas le chemin que prend la France si on croit le rapport du sociologue Alain Quemin à la demande du ministère des affaires étrangères. Le bilan est sans appel : la France est inexistante au niveau international malgré des efforts financiers important de l'état. Et cela ne date pas d'hier : ce déclin aurait commencé dans les années soixante. Curieusement, cela correspond aux années Malraux de 1959 à 1969, et le début de l'implication de l'état avec la création du ministère des affaires culturelles en 1959 ...

Revenons au rapport : la troisième partie du rapport donne modestement quelques pistes envisageables pour promouvoir plus efficacement l'art français à l'étranger. Il se fait aussi l'écho de quelques critiques cinglantes contre le personnel de nos institutions et contre les artistes français mais que l'ont peut interpréter comme les artistes dans la lignée de ces institutions.

- le manque de discrétion dans le soutien des artistes. Le résultat est catastrophique car ces artistes apparaissent comme des artistes officiels ce qui est très mal vu.

- une compétence insuffisante des attachés culturels en poste à l'étranger.

- la défense d'un art intellectuel qui est associé à l'étranger à un certain retard. Pour une conservatrice coréenne c'est "un peu en retard". Mais deux galeristes français chiffrent ce retard en dizaines d'années ! Pour des champions de la modernité, cela doit être dur à digérer !

- des discours pseudo philosophiques qui agacent pas mal d'étrangers

- un parti pris des institutions pour les installations, vidéo et multimédia au détriment de la peinture qui marche très bien à l'étranger.

Ces critiques permettent de mieux comprendre la mauvaise réception de l'art français à l'étranger malgré des atouts indiscutables (pays riche, pays occidental, passé prestigieux, soutien financier de l'état). Mais il est important de noter que ces dernières critiques (les 3 derniers points) sont les mêmes que peut formuler le public français avec le refus de mettre l'art à la portée du public par des cartels explicatifs, des livrets... : A. Quemin a par exemple constaté que les oeuvres exposées à la Tate Modern de Londres sont presque toutes accompagnées d'un cartel introductif. Cette remarque a déjà été formulée, il y a plus de 30 ans par Bourdieu et Darbel en 1969 qui "soulignaient à la fois la nécessité de mettre en place des dispositifs d'accompagnement des œuvres pour les rendre plus accessibles au public" mais aussi constataient également "les très fortes résistances des conservateurs français " (A. Quemin, page 259) !

Mais ces critiques émises par des étrangers et partagées par un public français ne peuvent-elles pas être également formulées par des collectionneurs français ? Comme le ou les publics, les collectionneurs sont au bout de la chaîne. La France manque de collectionneurs en général comme nous le rappelle A. Quemin et d'autres ouvrages (Ph. Dagen), ce qui est responsable d'un marché français "étroit" et de l'existence précaire de nombreuses galeries. L'art contemporain tel qu'il est défini par nos institutions françaises ne fait-il pas fuir les collectionneurs français, la conséquence étant un marché dépressif et une grande fragilité des galeries françaises ? La question est posée !

Ph. Declerck