Réflexions
- Croissance très importante des surfaces moyennes des œuvres vendues en salle des ventes :
Pour les peintres nés entre 1880 et 1900 : 3 m2 ;
Pour les peintres nés entre 1900 et 1920 : 4,5 m2 ;
Pour les peintres nés entre 1920 et 1940 : 7,5 m2 ;
Pour ceux nés après 1940 : 11 m2.
Actuellement, gigantisme ou poids énorme des œuvres (sauf exceptions) comme dans le land art, par exemple.
- Robert Smitson a fait en 1970 une jetée en forme de spirale aux Etats-Unis dans l'Utah,
avant que la montée des eaux du Grand Lac salé ne la submerge sous 5 m d'eau. Dimensions : 457 m x 4,5 m.
- Christo : Runing Fence (1976), une barrière de tissu de 5,5 m de haut et de 40 km de long, érigé en Californie
On se croirait dans la fable de Jean de La Fontaine :
La grenouille qui se veut faire aussi grosse que le bœuf !
Revenons au XIX ème siècle
- Les grandes tailles au 19ème étaient en principe réservées à la peinture historique. Mais des peintres choisiront des grandes tailles pour essayer de se faire remarquer.
Courbet : Un enterrement à Ornans, 1850-1851 fait environ 3m sur 7m (21 m2) ! Présenté au salon de 1851.
L'atelier du peintre (refuse au salon), 1855 fait 3,61m sur 6m (21 m2) !
L'Hallali du cerf, 1867 fait 3,5 m sur 5m ( 18 m2) !
En 1865, Monet (il a 25 ans) commande une toile de 7 m de long pour faire son déjeuner sur l'herbe. Son esquisse fait presque 2 mètres ! Il n'osera pas le proposer au salon de 1866.
Le bain devenu le déjeuner sur l'herbe de Manet ne fait que 2m sur 2,5m ( 5,5 m2) ! Son Olympia fait 1,3m sur 1,9m (2,5 m2). Ridicule !
- A l'opposé pour les tailles
Meissonier : L'Empereur à la bataille de Solferino, 1863 fait 0,33 m2 ! 1814, La Campagne de France, 1864 fait 0,39 m2 !
Si on suppose que de nombreux tableaux faisaient moins que 1,5 m2 (soit 1,2m sur 1,2m ce qui n'est pas négligeable) , le déjeuner de Manet est l'équivalent de 4 tableaux environ, celui de Courbet de 14 tableaux !
Ceci n'est rien dans l'absolu. Mais si remplace cela dans le contexte du nombre très important de tableaux proposés dépassant les capacités des salles du salon dont les murs ne sont pas extensibles à l'infini, on peut s'interroger. Ci-contre, l'encombrement des murs du Salon de 1861.
- L'acceptation d'un tableau gigantesque était équivalent au refus de plusieurs tableaux de taille ordinaire et donc à prendre la place d'autres peintres ! Il est hautement probable que tous les peintres connaissaient ce problème de place rien que par le règlement du salon qui a limité à 4 puis 3 puis 2 les œuvres que l'on pouvait proposer et par la visite des salles du salon. A moins qu'ils soient très naïfs !
- Le jury devant régler ce problème de place, devait probablement être incité à refuser ces tableaux. D'autre part, il n'avait pas de logiciel pour gérer les places sur les murs !
Proposer des toiles gigantesques fait donc partie d'une stratégie médiatique pour se faire remarquer et ne pas être le peintre x perdu dans la masse des centaines de peintres...
Solution de la devinette :
Ernest Meissonier : 51,5 x 76,5 cm ! pour 1814, La Campagne de France, 1864
Edouard Manet : 208 x264,4 cm ! pour Le bain devenu le déjeuner sur l'herbe, 1863
Soit un rapport de 14 en surface !
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